“WHISPERS IN THE MIST„
«Those who dream by day are cognizant of many things that escape those who dream only at night. »

De la brume. Rien que de la brume. Cela devait bien faire au moins une heure que Mordred marchait ainsi, distinguant à peine le bout de ses pattes. Une heure qu'il scrutait ce brouillard immatériel, blanchâtre et opaque, qui se mouvait autour de lui comme un essaim de fantômes. Il n'y avait rien. Sans cesse il se retournait, croyant distinguer du coin de l'œil une silhouette canine, une ombre malveillante qui le guettait. Mais il n'y avait définitivement rien, ici. Rien d'autre que les chuchotements du vent, qui venaient se glisser à l'oreille attentive du loup blanc.
Il s'arrêta soudain, tourna la tête à droite, puis à gauche, puis regarda à nouveau en face de lui. Son regard se heurtait sans cesse à ce mur opaque de brume, qui l'encerclait comme une vulgaire proie. Ne pas savoir où poser son regard, ne rencontrer que du vide, toujours du vide, ne trouver aucune forme, aucune lueur, aucune ombre à laquelle accrocher le seul œil qui lui restait. C'était là quelque chose d'assez oppressant, il devait bien l'admettre. D'un côté, un brouillard blanc opaque, et de l'autre, un brouillard noir sans fin... Il lui sembla soudain être devenu aveugle... Il secoua vivement la tête avec un soupir, puis ferma son œil. Là. Du noir des deux côtés. Et ce silence... Un frisson vint alors courir le long de son dos. L'air était froid, ici. Mais au moins, il était tranquille. Personne ne viendrait le déranger.
A peine Mordred eut-il le temps de formuler cette pensée, qu'il dressa les oreilles avec surprise. Il lui avait semblé distinguer, du fond de ses ténèbres, le léger bruit que produisent les pas sur l'herbe...

Happiness is not a goal that continues to bitterly,
it is a flower that you picked on the road of duty.

Sans cesse je pensais à ce qui pourrait m'arriver si je rencontrait par un malheureux hasard un loup dans ces champs de brumes aussi glauques les uns que les autres. Je n'avais jamais cru que cela était possible, mais un loup borgne existait vraiment, ce n'était que des rumeurs fondées sur des paroles incertaines, pourtant, je n'arrivait pas à y croire, cela me paraissait insensé, ma phobie, j'ai toujours persisté à croire, que cela n'était qu'une légende, et puis, comment un loup peut-il devenir borgne.. Si ce n'est pas de la pattes des chiens. Mais bon, à quoi bon chercher, à quoi bon penser à ça... Je ne comprends pas pourquoi ces pensées envahissent mon esprit. Sans doute cet endroit remplit de souvenirs...

La brume glissait entre mes pattes, elle léchait le sol, caressant mon pelage. Je la sentais avancer droit devant moi avec le vent qui la poussait délicatement. Bizarrement, je sentais une présence pesante dans cet endroit, sans bien voir, je n'arrivais pas à percevoir le bout du champ dans lequel je me trouvais. Plissant les yeux, ça n'arrangeait rien. Faisant le pour et le contre pour avancé, je me suis dis que rien ne pourrait m'arriver. Une étrange lumière blanche volait devant moi, elle avait l'air irréellement vraie, je veut dire, vivante. M'émerveillant de ce phénomène, je me rapprochait délicatement pour ne pas effrayer la chose. Je n'en croyais pas mes yeux, à force de ma rapprocher, la chose pris la forme d'un loup, grand et fantomatique. Blanc comme la brume, ou presque, il avait l'aspect d'un fantôme errant. Mes yeux s'étaient écarquillés pour admirer cette créature. Ok, jusque là, tout allait bien, ce n'est qu'en voyant la chose de face, que le destin me fouetta en plein visage.

Pendant quelques secondes, Mordred espéra que ce bruit incongru qui venait briser le silence de mort de ce lieu, n'était en fait que le bruit des branches d'un arbres qui craquaient, ou bien le murmure du vent froid sur la plaine. Mais ses espoirs s'avérèrent sans tarder être vains. Il reconnaissait, bien malgré lui, le bruit caractéristiquement sourd d'un corps en mouvement, donc chaque patte s'écrase avec lourdeur sur le sol. Les pas, d'abord étouffés, semblaient se rapprocher de plus en plus. Les oreilles du loup blanc s'affaissèrent légèrement, et il soupira avec une certaine déception.
Au fur et à mesure que les secondes passaient, il commença à discerner une silhouette canine à travers la brume blanche. Il n'y voyait pas grand chose avec son unique oeil, mais cela avait tout l'air d'être un chien au pelage foncé. Pas d'ours, pas de bête féroce. Le loup au pelage blanc se détentit légèrement et, sans bouger d'un poil, laissa l'inconnu se rapprocher doucement de lui. Ce ne fut que lorsque ce dernier se trouve à seulement deux ou trois mètres de lui, qu'il tourna enfin la tête dans sa direction, et le dévisagea bien en face, d'un air à la fois froid et intrigué.