La violence, sous quelque forme qu'elle se manifeste, est un échec.

x. Froid. Faim. Je n'avais que ces deux seuls mots en tête. Le ciel, parsemé de nuages gris, grondait, annonçant l'orage qui allait bientôt éclater. Moi, je contemplais ce ciel glacial, déchaîné, à l'image des temps que nous étions en train de vivre. A l'image des monstres sur deux jambes qui avaient déserté la ville et qui revenaient désormais. Pourquoi ? Pour terminer ce qu'il avait commencer. Anéantir toutes traces de vie dans ce village, déjà désert, où la nature recommençait seulement à retrouver ses droits. Je n'aimais pas cet endroit. Je préférai de loin, les collines verdoyantes, les plaines ensoleillées et les étendues d'herbes fraîches qui s'étendent autour des ruisseaux. Pourtant, aujourd'hui mes pas m'avaient mené dans cet amas de décombres, où la seule vie qui régnait était invisible à l'oeil nu. Marchant prudemment entre les débris des anciennes maisons effondrées, j'avançai péniblement, sur mes gardes, l'oreille aux aguets. A ce qu'il paraissait, ils étaient de retour. Ils étaient désormais plus nombreux, et ils savaient ce qu'ils faisaient. J'en avais maintenant la preuve. Leur objectif m'était encore inconnu, ou très flou. Tout ce que je savais, c'est que leur venue ne présageait rien de bon pour nous autres, les canidés... Les survivants. une goutte s'abattit sur mon museau. Je me secouai frénétiquement, envoyant valser les nombreuses goutelettes qui tombaient et s'accrochaient à mon pelage drue. En vain, je me résignai à continuer mon chemin en ignorant la pluie qui collait mes poils à ma peau.

x. Je m'arrêtai un instant, car la pluie battante me brouillait la vue. Assise dans une crevasse, creusée par les engins explosifs tombant du ciel, je me calais au fond, me recroquevillant sur moi même pour avoir plus chaud. Soudain, une longue complainte, accompagnée de petit couinements me parvint. Dressanrt l'oreille, je reconnus immédiatement ce cri plaintif. Je ne saurai que trop le reconnaître. Cela me rappela un souvenir amer. Je déglutis, en me levant brusquement. Reniflant le sol à la recherche de la provenance de ce bruit, je me guidai finalement plus à l'aveugle, car la pluie faisait disparaître toutes odeurs. Cependant il y avait des restes : les effluves étaient récentes. J'accélérai, l'allure, courant dans les flaques d'eau qui me mouillait d'avantage. De toute façon, au point où j'en étais. Et puis ce n'était pas le moment de me soucier de ces choses, qui au fond ont peu d'importance. Après de nombreuses minutes à chercher, j'aperçus une boule noire et blanche étalée dans une flaque. Elle semblait abbatue et désemparée. Je m'approchai doucement, pour ne pas l'apeurer. La peur et l'épuisement se lisait dans ces prunelles ternes. Ce n'était pas le moment de se présenter, ni de parler. Le plus important était de trouver un endroit plus chaud. Elle n'était pas bien grosse, mais peut être trop pour que je puisse la porter. Du bout de mon museau, je l'aidai à se lever. Je ne pourrai dire si elle obtempéra ou pas, mais je pus la soulever sans trop de mal. L'aidant à se tenir sur ses pattes, je repérai un ancien immeuble désormais effondré, qui formait une petite cavité étroite mais assez vaste pour s'y caler. Je l'amenai, l'encourageant doucement. Ouf, nous y étions. Je n'avais pas vraiment l'instinct maternelle, n'ayant jamais cotoyé de chiots. Mais je me rappelai très bien que ma mère nous donnait de vigoureux coups de langue pour nous réchauffer, mes frères et moi. Je fis de même, sans dire un mot. Elle semblait en meilleur état. Elle n'était pas blessée, mais sur le moment, elle devait s'être résignée à mourir. Voyant qu'elle allait mieux, je m'arrêtai, m'éloignant un peu. Je la fixais, sans dire un mot.